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Au monastère de Mar Musa…

2010 novembre 1
Marmusa - monastere vue de l'escalier

Mon joli monastère !

Pour peu que vous connaissiez le bonhomme ayant l’insigne honneur d’être parcouru par vos petits yeux fébriles, vous ne pouvez ignorer que, bien que doté d’une relative tolérance, il cache aussi un bouffeur de cureton de première catégorie. C’est donc avec certaines réserves que ce dernier se préparait à gagner le monastère de Mar Musa, au nord de Damas, au sud de Homs. Mais la rumeur parlant de toit et gueuleton gratuit éveilla illico ses instincts émoussés d’auvergnat.

Le lieu se situant à vingt bornes de toute civilisation, il lui fut permis d’expérimenter toutes les joies auxquelles s’expose l’innocent auto-stoppeur nocturne, et sur lesquelles nous ferons une rapide ellipse…. On peut évoquer succinctement la ribambelle d’acteurs impliqués, à savoir, dans le désordre, quelques chiens errants, des kurdes enjoués, un routier irakien moustachu aux airs de violeur en série, un plein commissariat tatillon et d’humeur farfouilleuse, une meute de chacals colle-aux-basques, un livreur malhonnête de fallafels & chawarmas, une vingtaine de militaires nyctalopes planqués derrière un talus pour mieux vous sauter dessus, et deux rapineurs en moto décidé à vous faire les poches après vous avoir pris en amazone. Un coin de désert tout droit sorti d’un album de Goscinny où l’on ne s’attend plus qu’à tomber sur un montreur d’ours ou un défilé de majorettes au prochain buisson.

Marmusa - monastere

Vous le voyez, là-haut, plein centre, tout petit ??!? Une bonne petite montée !

Fort heureusement ce n’est qu’une menue volée de 200 marches et au moins autant de mètres de dénivelé qui réceptionnent le voyageur fatigué. Après avoir bredouillé vos aventures autour d’une table conviviale et éclectique, vous bénissez le Très Saint Sommier de bien vouloir vous porter vers un sommeil réparateur…


Il est 8h du matin.

Les paupières qui ne demandent qu’à tirer le rideau s’ouvrent soudain à n’en plus pouvoir : vous venez de sortir de votre chambre troglodyte et admirez pour la première fois la vue qui s’offre du nid d’aigle consacré. D’un soleil qui s’élève plein axe sur les dunes de sables d’un plateau craquelé, lignes brisées par ces deux à-pics hérissés qui enserrent le monastère, lui-même sis sur un promontoire rocheux vertigineux le long duquel serpente l’escalier susnommé et le lit d’un oued asséché qui s’étouffe dans l’erg contrebas. Renversant.

Marmusa - paysage

Le soir venu c’est pas mal non plus (excepté le fil du “telefrik” au premier plan…)

La vie monastique est cadencée par le cycle régulier des Frères en prière ou en méditation. Le matin, il s’agit de gagner son pain. La pitance est gratos, certes, mais la charité chrétienne est bien ordonnée. Dans cette communauté, on participe selon son bon gré aux tâches quotidiennes, cuisine, vaisselle, ménage… et on peut aussi mettre la main à la patte sur de menus travaux.

Un bon taf de est de se joindre à Bart. Il est en charge d’un petit programme de développement agronomique avec les paysans du secteur. Le surpâturage a accéléré la désertification des sommets environnants, où les troupeaux de chèvres ont dévoré les dernières touffes d’herbes des montagnes qui y survivaient, il faut raviver la zone. Ramassage de graines, écossage, maniement de la bêche et du râteau, semis…. Sergio, jardinier sous nos latitudes, et touriste de passage, dispense ses conseils aguerris.

Marmusa - travaux champetres

Travaux champêtres…

Ainsi sont les résidents des lieux. Au repas du soir, on se joint à une foule chamarrée. Le Père Paolo, qui redonne son éclat au monastère depuis le début des années 80, s’esclaffe et philosophe dans une demi douzaine de langues différentes. La plupart des cinq autres Frères sont arabes, et personne ne vous cherche de poux sur la tête en matière de religion. Mar Musa se veut un lieu d’échange entre les confessions. De fait, une grande majorité des convives sont de diverses obédiences chrétiennes. Pas mal d’autres voyageurs posent ici leurs valises, de tous les coins du globe. Enfin, quelques résidents au long cours et salariés complètent cette Cène.

La lune se lève sur la gorge de Mar Musa. Le meilleur moment pour courir dans l’église brièvement abandonnée. De jour, en dehors des offices, des flots de touristes s’y engouffrent pour admirer les fresques superbes qui souffleront bientôt les bougies de leur premier millénaire. A cette heure, elles sont toutes à vous. Le petit musée concomitant complète le patrimoine monastique. Inéluctablement, votre addiction à la nicotine vous pousse à prendre l’air en franchissant le pas de la comique mini-porte d’entrée – moins d’un mètre de haut, et un coude à 90°, un moyen de défense assez commun il y a quelques siècles de cela –. Malborophile comblé, allongé sur le roc, vous pouvez déplorer votre mécréance cosmologique : en plein désert, les astres brillent de milles feux. Alors que vous laissez votre imagination inventer des constellations, le vieux chien invalide vient se coucher à vos pieds. Les chats aussi sauvages qu’une meute de poissons rouges en maraude dédaignent les criquets et les crapauds qui prennent possession des lieux…

Un détour d’une ou deux nuits s’est mine de rien mué en une semaine. Et c’est en quittant le monastère, assiégé de klaxons et hélé de toute part, que vous réalisez pleinement…

Que le temps s’écoule différemment à Mar Musa.

Marmusa - monastere vue d'au dessus

Une vue d'au dessus...

8 Responses leave one →
  1. dad permalink
    novembre 1, 2010

    Réussir à placer nyctalope dans le contexte : chapeau !!

  2. phil permalink
    novembre 1, 2010

    placer aussi la meute de poissons rouges, pas mal non plus!

  3. novembre 3, 2010

    Bah j’ai bien essayé de placer « faloppe », mais là j’ai vraiment pas réussi…

  4. novembre 14, 2010

    BON ON EST PAS A PYRAMIDE NON PLUS !!! :)
    Bisous :)

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